Qu’une comédie italienne revisite Breaking bad n’est pas un drame de la contrefaçon.
A Rome, en 2010, la presse explore les dégâts collatéraux de la crise avec plusieurs articles sur des professeurs de philosophie top niveau, mais ayant tellement de difficultés à trouver un poste qu’ils se sont reconvertis en éboueurs pour avoir de quoi faire bouillir l’eau sous la pasta.
A la même époque, commence à fleurir dans d’autres rubriques d’autres articles s’inquiétant de la prolifération de drogues de synthèses circulant et vendue sans risque de se faire choper par les carabiniers car totalement légale, au vu d’un vide juridique faisant que ces nouvelles molécules ne sont pas répertoriées par la justice italienne sur sa liste de substance prohibées.
Sydney Sibilia a connecté les deux infos pour le scénario de son premier film, J’ arrête quand je veux.
Pietro, un prof de mathématiques qui s’est bananer par sa hiérarchie filant le poste (et la bourse) promis à un autre, décide de se lancer dans la fabrication d’une de ses drogues pour gagner sa vie. Et continuer à faire croire à sa copine qu’il a un job. Le commerce devenant fructueux, il va monter un réseau avec des collègues tout aussi tricards que lui dans l’éducation. Un caïd local de la dope ne va pas voir cette concurrence d’un très bon oeil…
Ca vous rappelle Breaking Bad ? Un peu. sauf que J’arrête quand je veux est donc une comédie, et Italienne. Comprendre, que quand elles sont bonnes, elles s’intéressent aussi à la politique et au social. Sous le portrait d’une bande de potes pieds nickelés découvrant les arcanes de l’économie parallèle et de la criminalité qui va avec, Sibilia fait aussi le bilan de l’ère berlusconienne.
Autant dire que les comptes sont proches de la cata quand J’ arrête quand je veux affirme que désormais le seul moyen de s’en sortir est de subsister et de savoir s’arranger avec la loi, et de bien profiter des brèches avant qu’elles ne se referment.
Sibilia en fait de même, en faisant quelques emprunts ici et là (dans le rythme, le montage, la mise en scène ou les choix pour la B.O) au cinéma popu américain un peu funky, de Tarantino à Soderbergh. Des petits larcins qui vont bien à J’ arrête quand je veux, comédie finalement assez pop dans l’esprit.
On lui accordera même des circonstances atténuantes quand il n’oublie pas de rendre hommage à sa véritable origine, lse comédies grinçantes où les prolos se faisaient la main en devenant escrocs, par exemple Le pigeon. Notamment dans des seconds rôles cousus main, comme celui d’Alberto, le neurobiologiste de la bande, rattrapé par sa nature de chercheur, qui teste les cames qu’ils créent, pour en comprendre les effets.
Autre particularité de J’arrête quand je veux, ce refus de dramatiser la situation. Tacler les travers de la société italienne, oui. Faire pleurer Margot avec, non. Sibilia met tout le monde à la même enseigne. Surtout ses héros qui, une fois devenus riches, oublient leur vocation et les idées progressistes pour se comporter en parvenus, blaireaux sous le charme de l’économie libérale. Si la dope que vend Pietro et ses amis est une version améliorée de l’ecstasy, J’arrête quand je veux a lui un goût acid(e) dans lequel s’est reconnu le public italien qui a transformé le film en carton de l’année.
En salles le 6 août.